Sexualité et maladie de Crohn : les solutions

Dans la sphère sexuelle, la maladie de Crohn peut générer de la frustration, de la culpabilité, de la honte ou encore de la gêne.

Mais ne vous inquiétez pas : des solutions existent pour faire face aux symptômes de la maladie. Car oui, votre vie sexuelle peut être satisfaisante !

Pourquoi votre santé sexuelle est importante ?

La sexualité est un aspect important dans la vie d’un être humain.

Elle contribue à notre bonne santé cardiovasculaire, hormonale, émotionnelle et mentale. Par ailleurs, l’orgasme constitue un anti-douleur naturel.

En 2011, l’Organisation mondiale de la Santé a affirmé l’importance de la sexualité chez les êtres humains :

« La santé sexuelle fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie dans leur ensemble. C’est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité, et non pas simplement l’absence de maladies, de dysfonctionnements ou d’infirmités. La santé sexuelle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles agréables et sûres, sans contrainte, discrimination et violence. Pour atteindre et maintenir un bon état de santé sexuelle, les droits sexuels de tous les individus doivent être respectés et protégés. »

Vous méritez d’avoir une sexualité épanouie. Malgré les conséquences de la maladie, une variété de solutions existe.

Les répercussions de la maladie de Crohn sur la sexualité

Il est connu que la qualité de vie des personnes atteintes par la maladie de Crohn est altérée aussi bien en phase de poussée qu’en rémission et asymptomatique. La sexualité contribue à la vie sociale. Elle peut donc avoir un impact important sur la qualité de vie.

Chez les femmes

Selon les études, entre 35 % et 58 % des patients notent une altération du fonctionnement sexuel en lien avec le diagnostic de leur maladie. Les trois quarts des femmes rapportent des troubles de l’image corporelle, notamment après des procédures chirurgicales, mais aussi à cause des effets secondaires de certains médicaments comme des stéroïdes ou des antidépresseurs (Jedel, Hood, & Keshavarzian, 2015).

La prise de corticostéroïdes peut aussi être associée à des dysfonctions sexuelles chez les femmes (Marín et al., 2012). Pour les personnes qui vivent des difficultés sexuelles, mais dont la maladie est inactive, les symptômes tels que la fatigue et les douleurs articulaires pourraient également expliquer la présence d’une altération du fonctionnement sexuel (Jedel, 2015).

Dans une étude, 83,6 % des femmes ont identifié un manque d’intérêt sexuel, 55,7 % ont indiqué avoir de la difficulté à avoir un orgasme et 16,4 % ont déclaré que la capacité réduite à avoir un orgasme constituait un réel un problème (Knowles, Gass, & Macrae, 2013). Selon une autre étude, les femmes rapportent plus souvent des problèmes en lien avec le désir, la satisfaction sexuelle, la diminution de la fréquence, les douleurs abdominales, les diarrhées ou l’incontinence fécale. (Jedel, 2015).

Chez les hommes

Plusieurs études menées auprès de patients atteints de la maladie de Crohn présentent un taux de dysfonctions sexuelles et de troubles érectiles autour de 40 %.

Dans une étude, les dysfonctions sexuelles étaient plus élevées chez les 21-30 ans et augmentaient après 51 ans (Domislovic et al., 2021).

Chez les hommes, les dysfonctions sexuelles sont indépendantes de la gravité de la maladie et sont corrélées avec la dépression, l’activité de la maladie et l’âge de la personne (O’Toole et al., 2018 et Li et al., 2019).

5 conseils pour assurer son bien-être sexuel

1. Envisagez une solution médicamenteuse

Heureusement, les symptômes émotionnels en lien avec la libido, le plaisir ou l’orgasme peuvent être partiellement ou complètement améliorés grâce à la prise de certains médicaments :

  • le bupropion : ce médicament, utilisé pour traiter entre autre la dépression, la fatigue, l’anxiété et la prise de poids, est connu pour stimuler la libido et les sensations de plaisir ;
  • la buspirone : un médicament principalement utilisé en cas d’anxiété généralisée, mais qui présente aussi une action anti-dépressive et pro-sexe ;
  • le trazodone : un médicament utilisé pour traiter la dépression, la sédation, l’anxiété ou encore les insomnies. Chez certaines personnes, le trazodone induit une augmentation de la libido ;
  • la mirtazapine : un médicament présentant une action anti-dépressive, anxiolytique, anti-TOC et pro-sommeil ;
  • le méthylphenidate : un stimulant principalement utilisé pour traiter les personnes ayant un trouble de l’attention, mais qui peut aussi avoir une action pro-sexe et antidépressive.

Pour les femmes, d’autres médicaments peuvent également aider en ce qui concerne les problèmes de lubrification, de libido ou encore d’orgasme. C’est notamment le cas de la flibanserine (Addiyi) ou du brémélanotide (Vyleesi).

Chez les femmes ménopausées, l’ospemifene (Osphena), la dehydroepiandrosterone (Intrarosa) ou l’estradiol (Imvexxy) peuvent être utilisés en cas de douleur ou de sécheresse vaginale.

Pour les hommes, le sildénalfil (Viagra) et les autres inhibiteurs de la PDE-5 peuvent aider pour les troubles de l’érection.

Si vous rencontrez des difficultés sexuelles pénibles, parlez-en à votre médecin.

2. Soyez bienveillant envers vous-même

La spontanéité dans les relations sexuelles est souvent valorisée. Vous constaterez peut-être que vivre avec la maladie de Crohn vous empêche d’avoir cette intimité impulsive. 

Le fait de devoir réfléchir à l’endroit où se trouvent les toilettes les plus proches ou à ce qu’il faut faire en cas de symptômes peut rendre la tâche difficile.

Rappelez-vous que votre maladie n’est pas le seul élément qui peut perturber votre sexualité. Le travail ou les enfants peuvent également entraver toute spontanéité.

Soyez gentil avec vous-même et votre partenaire. Évitez de comparer votre vie sexuelle à celle des autres. Rassurez-vous : vous êtes loin d’être la seule personne à rencontrer des difficultés lors des rapports.

Planifiez vos activités sexuelles autant que vous le pouvez. Prévoyez par exemple des sous-vêtements supplémentaires, des lingettes humides ou des analgésiques. Si le cœur vous en dit, vous pouvez aussi laisser quelques objets utiles chez votre partenaire.

Une autre idée serait de noter avec le plus de détails possible ce qui déclenche dans votre cas une poussée de Crohn. Apprenez à reconnaître les signes d’une attaque imminente. Une fois que vous comprendrez mieux les réactions de votre corps, vous pourrez adapter votre horaire sexuel en conséquence.

3. Favorisez la sensualité

Il existe des moyens de se sentir proche d’une personne même si vous ne vous sentez pas bien ou si vous avez une faible libido. Vous pouvez essayer :

  • de vous câliner ;
  • de vous caresser les cheveux ;
  • de vous faire un massage érotique ;
  • de vous caresser mutuellement les mains ;
  • de faire une sieste en étant collés l’un contre l’autre ;
  • de vous embrasser ;
  • de partager un bain ou une douche bien chaude.

4. Changez tout simplement votre stomie

Si vous avez ou allez avoir une stomie, vous vous inquiétez peut-être d’être gêné. Une stomie peut en fait vous permettre de vous sentir plus en contrôle.

Si vous craignez que le sac de la stomie ne fuite pendant les rapports sexuels, videz-le ou changez-le au préalable. De plus, demandez à votre médecin ou votre infirmière comment le fixer pour qu’il ne se détache pas lors des relations sexuelles.

Certaines entreprises vendent des couvre-stomies et de la lingerie conçue pour les stomies, ce qui peut vous aider à vous sentir plus en confiance.

Vous pouvez aussi au préalable protéger votre lit avec des draps ou des serviettes avant les rapports sexuels. En cas d’accident intestinal, ils faciliteront le nettoyage. Faites preuve d’indulgence envers vous-même. Après avoir nettoyé, réessayez de vous connecter avec votre partenaire.

5. Prévoyez de la douceur et de la fluidité pour le sexe anal

Si vous aimez cette pratique, vous vous demandez peut-être si vous pouvez encore en profiter, et si oui, comment faire.

Étant donné la nature de la maladie de Crohn, le sexe anal peut présenter certains risques. La muqueuse des fesses et du rectum est très fine : elle peut facilement être endommagée. Mais au niveau des recherches scientifiques, il est difficile de savoir si le sexe anal pourrait aggraver votre inflammation ou déclencher une poussée.

De plus, votre risque d’attraper ou de transmettre une infection lors de relations sexuelles anales est plus élevé, notamment s’il y a une plaie ouverte comme une coupure.

Pour aider à réduire votre risque de dommages pendant le sexe anal :

  • Utilisez beaucoup de lubrifiant en vue de réduire la friction et le risque de déchirures.
  • Les préliminaires sont importants. Vous sentir excité vous aidera à vous détendre et à rendre la zone plus sensible aux sensations agréables.
  • Pratiquez la sodomie très lentement.
  • En cas de douleur, arrêtez immédiatement afin de ne pas vous blesser.

Comment parler de ses besoins à son ou sa partenaire ?

Savoir communiquer efficacement n’est pas inné. Dans ce domaine, les erreurs sont fréquentes. Heureusement, il est possible d’apprendre de nouvelles habiletés émotionnelles et techniques en vue de mieux communiquer.

Connaissez-vous les principaux problèmes qui peuvent être rencontrés dans la communication interpersonnelle ?

Citons-en quelques-uns :

  • les non-dits (à cause notamment de la peur d’être rejeté ou d’être ridicule) ;
  • les malentendus ;
  • la fuite de ses responsabilités (l’utilisation du « tu » pour faire des reproches) ;
  • les émotions mal contrôlées ;
  • les conflits non résolus ;
  • etc.

En avez-vous reconnu certains qui vous concernent ?

Être conscient de ses propres défis est déjà un premier pas vers la voie de l’amélioration.

Parlez au « je »

Une erreur de communication fréquente est l’emploi du « tu » pour décrire les problèmes rencontrés. Cette formulation présuppose que notre interlocuteur est responsable de notre ressenti désagréable.

En réalité, un problème se compose bien souvent de plusieurs facettes, dont certaines échappent à notre conscience. Tâchez d’analyser la situation en tenant compte des perspectives de chacun. Nuancez autant que possible les causes ayant pu aboutir à vos émotions.

Soyez honnête à propos de vos peurs et de votre niveau de confort avec les méthodes d’adaptation. Encouragez votre partenaire à exprimer ce qu’il en pense. Expliquez-lui comment la maladie fonctionne et comment vous y faites face.

S’exprimer en utilisant la formule au « je » présente plusieurs avantages :

  • il permet d’exprimer ces sentiments sans attaquer l’autre ;
  • il constitue une façon d’assumer ses responsabilités (en étant notamment honnête envers soit-même et envers l’autre) ;
  • il aide à prévenir les problèmes et les conflits dans les relations interpersonnelles ;
  • il permet de développer une sexualité plus épanouie grâce à une communication améliorée.

N’ayez pas peur de sortir de votre zone de confort et de demander de l’aide à un professionnel extérieur. De nombreux couples aux prises avec une maladie chronique ont intérêt à parler à un conseiller ou à un sexologue. Cela peut grandement vous aider à retrouver une vie sexuelle satisfaisante.

Faits marquants

  • De nombreuses personnes vivant avec la maladie de Crohn ont des rapports sexuels.
  • En cas de symptômes freinant votre sexualité, vous pouvez mettre en place des astuces pratiques.
  • Le sexe anal est possible pour les personnes atteintes de la maladie de Crohn, mais quelques précautions sont à prendre.
  • Au cours de la vie, de nombreuses personnes connaissent une perte de libido. Une variété de solutions existe pour pallier ce problème.
  • En cas de difficultés relationnelles ou sexuelles, des professionnels de la santé peuvent vous accompagner.

Références scientifiques

  • Domislovic, V., Brinar, M., Cukovic-Cavka, S., Turk, N., Mikolasevic, I., & Krznaric, Z. (2021). Prevalence, predictors and age-related sexual and erectile dysfunction in patients with inflammatory bowel disease: A tertiary centre experience. International journal of clinical practice75(9), e14486. https://doi.org/10.1111/ijcp.14486
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